Le droit du nouveau millénaire : le contrat intelligent

Le contrat intelligent est un terme apparu il y a moins d’une dizaine d’années lorsque s’est créé un réseau décentralisé d’échange de valeurs appelé Ethereum.

Conséquence de la crise financière et économique de 2008 ; une crise de confiance en les institutions ; la blockchain aujourd’hui s’est imposée comme incontournable en particulier dans la finance. Elle commence à faire ses apparitions en Droit.

Elle permet de tracer les transactions financières tout en faisant régner la confiance entre les parties, concept souvent perdu par la plupart des institutions depuis 2008.

Définition

Selon les termes du Rapport n° 584 (2017-2018) de Mme le député Valéria FAURE-MUNTIAN, M. le député Claude DE GANAY et M. le sénateur, Ronan LE GLEUT, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 20 juin 2018, le contrat intelligent désigne un programme informatique inscrit dans la blockchain.

Ce rapport indique qu’il n’est pas un contrat au sens juridique du terme, mais plutôt, des codes informatiques qui vérifient, facilitent et exécutent un contrat au stade de sa négociation ou de sa mise en œuvre.

Cette définition, peut d’ailleurs glacer plus d’un entrepreneur, spécialement dans cette époque de transition civilisationnelle, où la civilisation « papier », fait place à la digitalisation puis à la cryptographie.

D’innombrables questions

D’innombrables questions se posent de tous les côtés et surtout au sein des écoles et facultés de droit, ainsi que dans les cabinets spécialisés en affaires et en contrats.

Comment va-t-on réellement opérer la transition légale vers celle de la legaltech ; sachant que le monde du contrat intelligent et de la blockchain présente une structure non encore enseignée dans les écoles : la conception binaire ?

Comment jouer son rôle d’accompagnateur/trice et de veille juridique dans les transactions quotidiennes, lorsqu’on ne maîtrise pas les fondements d’une technologie nouvelle ?

Vue d’ailleurs…

Aux États-Unis, les contrats intelligents peuvent déjà être exécutés en vertu des principes généraux du droit fédéral des contrats.

La loi sur les signatures électroniques dans le commerce mondial et national (loi ESIGN) ainsi que la loi sur les transactions électroniques uniformes (UETA) fourniraient une base juridique suffisante pour que les contrats intelligents soient intégrés aux termes d’un contrat juridique afin de ne pas avoir à exiger toute législation supplémentaire sur mesure et donc toute forme de débat.

Ceci est d’autant plus troublant vu de l’Europe et du monde du contrat civil romain, qu’il s’agit là de déclarer sans le vouloir, une guerre d’influence qui pourrait radicalement changer notre perception du droit.

Guerre d’influence juridique

La guerre sous-jacente à laquelle nous participons depuis peu implique de façon structurelle une révolution de notre concept de droit.

Une conception très volontariste du droit, conception anglo-saxonne, veut qu’un contrat intelligent soit traité comme un instrument qui valide une transaction, du moment qu’il représente une volonté de contractualiser.

Une autre conception, plus enclin à la prose, suppose d’entrée de jeu, qu’un contrat intelligent est avant tout un amas de code ne satisfaisant aucunement la construction et la structuration classique d’un contrat.

En France, le contrat réside dans un « accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations », le concept du contrat intelligent ne permet pas de valider toutes les étapes de ce processus.

Praticité « over » définition

Oui, vous le lisez bien, nous utilisons un mot anglais pour le sous-titre de cette partie. Mais cela a une raison : le développement actuel du secteur de la blockchain et du contrat intelligent embrasse de plus en plus l’aspect pratique de la conception anglo-saxonne du contrat !

Le récent boom de la finance décentralisée ou DeFi en est un exemple très parlant : de nouveaux contrats intelligents permettent de plus en plus d’échanger légalement de la valeur, sous forme de cryptoactifs.

Les applications sont nombreuses : prêts, dérivés, trading, paiements, cryptoactifs, sont tous représentés dans la finance décentralisée par de simples contrats intelligents qui déjà représentent des milliards de dollars.

Choix pratique

L’univers blockchain et de son contrat intelligent s’est naturellement choisi la conception anglo-saxonne du droit des contrats pour se développer. Baser le choix d’une décision de justice sur un précédent a toujours été plus simple que de permettre au droit de revirer.

Le Droit continental doit imposer ses standards et être force de proposition en la matière. L’univers du droit civil (VS celui de la Common Law) ne peut rester à l’écart de cette innovation, handicapé par sa conception séculaire du droit. Il doit rapidement s’adapter à la nouvelle pensée techno-légale et devenir un contrepoids à la conception anglosaxonne. Cette adaptation et cette mise à niveau passera par la proposition de nouveaux outils, respectueux de notre ontologie et de nos principes fondamentaux.

Christian Juru Ilizabaliza
Juriste & Développeur
Consultant indépendant en blockchain

Sacha Gaillard
Adjoint au maire
Ville de Saint-Cloud

Président-fondateur d’EspriTerritoires

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