Réindustrialisation de la France : Les conditions d’un rebond durable

Constat

Depuis les années 2000, les gouvernements se sont succédés sans impact durable sur le déclin de l’industrie française et du « Made in France ».

Au début du XXIème siècle, le capitalisme français se prend à rêver d’un pays sans usine à l’image du PDG d’Alcatel de l’époque Serge Tchuruk exprime la volonté que : « Alcatel doit devenir une entreprise sans usine ».

20 ans plus tard, Alcatel n’existe plus et notre pays a pris conscience de l’importance de l’industrie pour maintenir une économie forte. Cependant le mal est fait et les remèdes appliqués sont encore loin d’être concluants.

L’industrie française souffre de trois plaies :

  • Des marges trop faibles ;
  • Des usines pas assez modernes ;
  • Des Grands Groupes français créant plus d’emplois et d’activité à l’étranger qu’en France.

Notre faible compétitivité industrielle s’explique par des raisons beaucoup plus profondes. C’est tout simplement notre construction sociétale qui n’est pas favorable au développement de l’industrie, cette notion recouvrant à la fois l’éducation, les relations professionnelles, les politiques publiques, le comportement des banques, etc. Bien sûr, nous connaissons tous des entreprises industrielles françaises performantes, mais nos normes économiques, sociales et industrielles ne sont pas alignées sur les normes de la compétitivité internationale. Si l’on veut relancer l’industrie française, il faut adopter une démarche systémique qui prenne en compte l’ensemble de ces dimensions.

Ce qui n’a pas fonctionné

Comment la France du Concorde, du TGV et des centrales nucléaires a-t-elle pu se tromper à ce point ? Il serait faux de penser qu’il s’agit d’une fatalité. Nos voisins européens malgré l’affirmation de la Chine ont su protéger leurs fleurons.

Les politiques publiques en faveur du développement économique, fortement normatives, complexes et instables, s’avèrent difficiles à appliquer pour les entreprises.

Dans les années 70, la plupart des grandes entreprises françaises ont été prises d’assaut par la haute fonction publique. Eloignée de l’industrie, ces dirigeants ont été incapables de mettre en place des stratégies de croissance organique. Les rêves de grandeur ont donc amené à des opérations de fusions acquisitions majeures dont le coût a été payé par la mise sous pression des sous-traitants. L’ampleur du choc est telle que les directions achats ont du massivement se tourner vers les pays à bas coût. Petit à petit, le tissu d’ETI a été considérablement affaibli et la culture industrielle a disparu.

Depuis 20 ans, l’Etat et la population ont pris conscience en raison de la médiatisation des conflits sociaux des dégâts provoqués. La crise du Coronavirus n’est que le dernier exemple en date de cette saga. Dans ces conditions, comment arrêter l’hémorragie et reconstruire un esprit de conquête pour notre tissu de PME/ETI/Grands Groupes ? Cette question sera centrale dans les années à venir pour construire une France unie sans fractures entre les grandes villes et les zones moins denses.

Propositions

L’industrie, c’est le temps long. Pour réussir cette mutation, il faut lever un à un les obstacles ainsi que les mauvais reflexes que nous avons patiemment érigé depuis un demi-siècle.

La première responsabilité de l’Etat en matière industrielle doit être de ne pas nuire. L’Etat prend de très nombreuses décisions qui ont un impact sur l’industrie, que ce soit dans les domaines de la sécurité, de l’environnement, du social, ou encore des normes. L’Etat doit tout d’abord retrouver la juste place dans notre économie et établir un cadre de confiance. L’industrie est l’affaire des entreprises et l’Etat doit se contenter de créer un cadre stable et durable qui donne confiance en l’avenir. La fiscalité et les réglementations doivent être justes et non des outils aux services de la communication politique.

La réussite de l’industrie française de demain passera par la réponse à trois enjeux majeurs :

  • Favoriser l’innovation : sur ce plan, il faut encourager les entreprises à se rapprocher toujours davantage de la recherche publique mais aussi des autres entreprises de leur filière. On pourrait imaginer que les plus grandes aient à cœur d’innover avec les plus petites, plutôt qu’aller chercher des composants à l’autre bout du monde. L’Etat doit favoriser la mise en place de tels partenariats.
  • Reconstruire un consensus social : la réunion des entreprises, des pouvoirs publics et des syndicats est un élément central du dispositif de reconstruction industriel national. Tout l’enjeu est de renouer avec un dialogue social des qualités, permettant aux intérêts des salariés et des entreprises de converger dans le sens d’une industrie durable et prospère.
  • L’innovation : être capable de créer les conditions d’une industrie innovante. Il en va d’un enjeu central pour répondre à une demande qui évolue. Pour continuer d’être compétitif d’un point de vue industrie, il faut que nos jeunes entreprises poussent notre industrie à se renouveler en adressant de nouveaux segments de marché jusque là non exploité.

La contrepartie de la sagesse des politiques s’inscrit dans la prise de conscience de la population de ne pas établir une vision industrielle en fonction des annonces médiatiques. Les industries de demain seront vraisemblablement plus digitalisées et transformées et donc se distingueront en de nombreux points des industries d’hier. Il faut accepter de perdre des combats pour concentrer ses forces aux endroits dans lesquels la France a toujours réussi à imposer son savoir-faire, tels que : l’aéronautique, la défense, les mobilités, les énergies et les réseaux.

La Covid a été en ce sens la mise en lumière des réactions typiques de l’Etat. La production de règlementations a été au-delà du raisonnable. Sous couvert de santé publique, on a inondé les entreprises de communication contradictoire et dont la longueur était inversement proportionnelle à la durée de validité. Le gouvernement a également proclamé le retour du Made in France pour les médicaments en se concentrant sur des molécules sans valeur ajoutée et en ignorant les règles les plus élémentaires de rentabilité. Il faut capitaliser sur des produits d’avenir tout en maintenant une diversité d’approvisionnement sur les produits essentiels où l’on a pris du retard. L’industrie reste indispensable pour relever les grands défis qui attendent notre société. C’est elle qui peut, en s’appuyant sur la science, apporter des remèdes au réchauffement climatique, aux problèmes de mobilité, de santé, de vieillissement, de dépendance, etc. On parle trop de la science qui tue et de l’industrie qui pollue, et pas assez de la science qui soigne et de l’industrie qui apporte du bien-être. Le volontarisme ne doit pas servir d’excuse à l’incompétence !

Arnaud Bosser
Conseiller municipal
Ville de Saint-Cloud

Sacha Gaillard
Adjoint au maire
Ville de Saint-Cloud

Président-fondateur d’EspriTerritoires

1 thought on “Réindustrialisation de la France : Les conditions d’un rebond durable

  1. Pinauldt says:

    Analyse que je partage. Il faudrait peut-être rajouter que l État devra desserrer d avantage l étau fiscal concernant le coût du travail pour rendre nos industries compétitives et favoriser le retour en France des unités de production.
    De plus , si on retisse le tissu industriel, cela contribuera à rééquilibrer nos territoires en les repeuplant grâce aux bassins d emploi ainsi recrées.
    Bravo à tous les deux pour cette initiative !

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