La pollution numérique : une réalité tout sauf virtuelle

Cette période très particulière est l’occasion de prendre conscience que nous sommes devenus hyper connectés et de découvrir que l’impact du numérique n’a rien de virtuel.

Lorsqu’on aborde la question des émissions de CO2, le numérique est un domaine dont on parle peu. On pense plus aux transports, à l’industrie ou à l’agroalimentaire, mais la pollution numérique est bien réelle, et elle augmente d’année en année (1). On peut d’abord penser que son impact est marginal, mais certaines études l’estiment à quatre fois les émissions de CO2 annuelles de la France (2).

Un problème potentiel est la présence de conséquences non désirées à partir d’actions considérées comme rationnelles. Lorsque cette pollution digitale devient un problème, comment pouvez-vous y remédier ?


La première étape pour réduire ces émissions est de les identifier. Si on pense à l’utilisation d’un service numérique, on peut différencier trois composantes :
les terminaux (smartphones, ordinateurs, objets connectés, etc)
– le réseau (box internet, câbles de fibre optique, câbles réseau)
– les serveurs (data centers des GAFAM ou hébergeurs web)

On pense souvent que le problème vient majoritairement des data centers et des géants du numérique, mais il vient en fait de nous ! Selon les sources, ce sont nos terminaux qui émettent le plus de CO2, et cela représente environ deux tiers de la pollution numérique (2).

Mais alors, comment expliquer cette pollution des terminaux ? La majeure partie vient de leur fabrication. Par exemple, on dit qu’un smartphone fait quatre fois le tour du monde avant d’arriver dans notre poche. En effet, sa fabrication nécessite des dizaines de matériaux répartis aux quatre coins du globe. L’indium de l’écran vient majoritairement de Chine, provoquant des questionnements géopolitiques sur son approvisionnement (3). Le lithium des batteries provient du Chili et d’Australie en causant de graves dégâts sur l’environnement local (4). Le cobalt, lui aussi utilisé dans les batteries, vient du Congo, où des enfants meurent dans les mines pour l’extraire (5). Des dizaines d’autres matériaux sont en plus nécessaires pour le processeur, la coque ou encore le vibreur, rendant la fabrication d’un smartphone extrêmement complexe. Cette complexité a un coût supplémentaire à la fin de vie d’un téléphone, puisqu’il est extrêmement compliqué voire impossible de recycler certaines parties d’un smartphone. En cause : des alliages de métaux bien plus complexes à traiter que des métaux simples.

Nous avons besoin de téléphones et d’ordinateurs dans notre quotidien, alors comment réduire les émissions qui leur sont liées ? Puisque l’essentiel de la pollution numérique vient de la fabrication des terminaux (et donc pas à leur utilisation, ou encore aux data centers), il existe plusieurs solutions. On peut par exemple allonger la durée de vie de son smartphone ou de son ordinateur, qui sont respectivement de 2,5 et 5 ans en moyenne. Pour cela, en cas de problème, il faut penser à la réparation plutôt qu’à un rachat. Certains acteurs comme Fairphone produisent des téléphones durables et très facilement réparables. Le reconditionné et l’achat d’occasion sont aussi de bonnes solutions pour limiter l’impact environnemental du numérique.


La pollution numérique : comment réduire son empreinte digitale ? (10)

Il faut aussi chercher les causes d’un changement de smartphone ou d’ordinateur. Pour un téléphone, les raisons principales sont : lenteurs, téléphone endommagé et téléphone plus à jour. Les lenteurs et la compatibilité sont de la responsabilité des concepteurs de services numériques qui doivent donc créer des applications plus légères et plus largement compatibles. En effet, les lenteurs viennent majoritairement de services trop lourds plutôt que d’un matériel trop vieux et défaillant. Il faut donc pousser les entreprises du numérique à l’éco-conception (6), au même titre que les améliorations de performance et d’accessibilité, déjà plus largement pratiquées.

L’impact de nos appareils


La technologie fait partie intégrante du développement produit. Bien qu’elle présente de nombreux avantages, elle présente aussi quelques inconvénients. Le secteur numérique consomme environ 10% de l’électricité mondiale selon un rapport de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME). C’est autant que le secteur de l’aviation civile. Si rien est fait, en 2025, le numérique polluera autant que le trafic automobile mondial.

La première étape est de prendre conscience de cet impact et d’essayer de le mesurer, au moins à l’échelle individuelle. L’idée n’est pas de se passer complètement d’internet (de plus que cela devient compliqué) mais bien de faire au mieux avec les moyens du bord.

5 manières d’éviter la pollution numérique (9)

De plus, nous devons nous questionner sur nos besoins. Il est indispensable d’avoir un téléphone et un ordinateur pour travailler et nous divertir, mais nous pouvons peut-être nous passer d’objets connectés : a-t-on vraiment besoin d’une montre ou d’une brosse à dents connectée dans notre vie de tous les jours ? Ils apportent certes du confort, mais qui est à mettre en perspective par rapport à leur impact environnemental.

Une recherche Accenture montre que 71 % des entreprises interrogées connaissent ou connaîtront des perturbations dans un avenir proche. Les nouveaux produits doivent être adaptés à l’évolution mondiale pour répondre aux besoins changeants des clients.

Quelques conseils peuvent être avancés pour réduire sa pollution numérique :
– Garder plus longtemps ses équipements (passer de 2 à 4 ans d’usage pour un ordinateur améliorerait de 50% son bilan technologique environnemental);
– Limiter les consommations d’énergie de vos appareils;
– Visionner ses vidéos de façon « éco-responsable » (préférer le téléchargement au streaming / éviter la 4G pour lire les vidéos…).


En conclusion, les trois mots à retenir sont, dans cet ordre : Sobriété, Optimisation et Innovation. Dans le domaine du numérique, l’essentiel de la réduction des émissions viendra de nous, en réduisant nos achats d’appareils électroniques : c’est la sobriété, qui est le levier d’action principal. Ensuite, les entreprises du numérique doivent optimiser leurs applications et les rendre plus compatibles. La récente décision de Microsoft de rendre Windows 11 incompatible avec les ordinateurs vieux de plus de 4 ans va complètement à l’encontre de cette idée (7). Enfin, les concepteurs d’électronique peuvent et doivent continuer la recherche et l’innovation, qui pourraient par exemple permettre l’utilisation de matériaux plus performants et durables pour nos appareils électroniques (8).

« La sobriété numérique est un état d’esprit avant d’être une solution technique » – Frédéric BORDAGE

Benjamin MORALI
Consultant IT

Développeur Full Stack
Octo

Sacha GAILLARD
Maire-adjoint Ville de Saint-Cloud
Président-fondateur d’EspriTerritoires

(1)https://www.lexpress.fr/actualite/societe/infographies-que-represente-la-pollution-numerique-en-france_2152518.html

(2)https://fr.statista.com/infographie/19739/empreinte-carbone-internet-et-univers-numerique-mondial-emission-de-co2/

(3)https://fr.wikipedia.org/wiki/Indium#Ressources

(4)https://fr.wikipedia.org/wiki/Lithium#Impact_de_l’extraction

(5)https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/mines-de-cobalt-des-geants-de-la-tech-mis-en-cause-dans-la-mort-denfants-1157075

(6)https://collectif.greenit.fr/ecoconception-web/115-bonnes-pratiques-eco-conception_web.html

(7)https://www.rtbf.be/tendance/techno/detail_votre-ordinateur-sera-t-il-compatible-avec-windows-11?id=10846294

(8)https://www.frandroid.com/produits-android/hardware/batterie/231795_nouvelle-technologie-tripler-capacite-batteries-au-lithium

(9)https://mymushin.com/5-manieres-deviter-la-pollution-numerique-lors-de-la-creation-de-nouveaux-produits/

(10)https://zds.fr/la-pollution-numerique/

L’aérien en France : entre espoir de relance, continuité territoriale et pression écologique

Constat

Depuis près d’un an, le monde de l’aérien subit une crise économique sans précédent, entrainant avec lui d’autres secteurs liés tels que le tourisme. Les compagnies low-cost disparaissent au compte-goutte, laissant place à un quasi-monopole des compagnies nationales sur le marché. La conséquence directe est bien évidemment l’inflation des prix, inévitable, ainsi que la réduction drastique de lignes et flotte des transporteurs, dues aux pertes astronomiques de capital et à une réduction draconienne du personnel.

En parallèle, depuis quelques années, les pays européens subissent des pressions écologiques, inspirées de mouvements nordiques tels que flygskam autrement dit « la honte de prendre l’avion ». Certains partis politiques, très majoritairement de la gauche radicale et écologiste profitent de l’occasion et se saisissent du sujet, menant souvent à des mesures punitives et prises unilatéralement, sans aucune concertation au préalable.


Ce qui ne fonctionne pas

1. L’aérien vers/en provenance de l’Outre-Mer pendant le Covid

Nos territoires d’Outre-Mer, souvent mis à l’écart des décisions ont encore une fois pâti de la situation. En effet, lors du déconfinement estival, ils ont été traités sanitairement comme des pays tiers et le principe de la continuité territoriale a été délaissé. Il s’avère le test PCR a été et demeure toujours obligatoire pour s’y rendre, or le gouvernement, par ses décrets, n’a pas rendu prioritaire les demandes concernant les voyages vers ces collectivités ce qui constitue une faute majeure, excluant une partie de notre territoire national du principe d’unité de l’Etat, étant ainsi placé au même rang que les Etats hors Union Européenne.

Les conséquences ne se sont pas fait attendre, retard de vols, incertitude sur les correspondances notamment dans les hubs, refus d’enregistrement dû au retard des résultats PCR, mais surtout impossibilité pour certains passagers de respecter le délai imposé de 72h avant le vol. Toutes ces heures perdues constituent des pertes monumentales pour les compagnies, étalées sur l’ensemble de l’été, ce qui accroit cette situation économiquement tendue et désolante pour une partie de nos concitoyens.

2. Air France et la SNCF, une affaire d’Etat

Le premier trimestre de cette année aura été un désastre pour les compagnies aériennes. L’arrêt progressif des lignes vers la Chine, puis vers l’Asie et enfin la fermeture des frontières ont cloué au sol presque l’essentiel des flottes de la branche française du groupe AF-KLM (Air France, HOP et Transavia), limitant au strict minimum les revenus et rendant les projets d’expansion presque inaccessibles. A cela s’ajoute l’apocalypse administrative des vols de rapatriements, qui pour certains territoires se sont étalés sur plusieurs semaines. Encore plus dévastatrice que le choc pétrolier en 1973, jamais nous n’aurions imaginé une telle crise dans le secteur.

A cela s’ajoute une décision du gouvernement menant à une interdiction des liaisons domestiques lorsque le trajet peut être effectué en moins de 2h30 en train sauf pour les passagers en correspondance. Cette décision aurait été une des conditions pour l’aide financière de 7 milliards accordés à Air France, par le ministre de l’Economie.  Cependant, cette dernière s’avèrerait être du pain béni pour la SNCF, qui, après plusieurs dizaines d’années retrouverait son monopole sur ces liaisons inter-régions. Ces liaisons sont Paris – Bordeaux, Paris-Lyon et Paris-Rennes.

Or est-ce réellement écologique de laisser des avions faire des rotations à moitié vides, sous prétexte d’écologie ?

Pourquoi ne pas pouvoir remplir ces derniers sachant que le bilan carbone par passager va être considérable en comparaison avec un taux de remplissage élevé ?

Toutes ces questions sont malheureusement en contradiction avec les propos et les projets dits « écologiques » et font encore une fois figure d’écologie punitive.

3. Des aides presque inexistantes envers les autres compagnies

La question est cependant très claire, pourquoi le gouvernement aide massivement nos commerçants et pas nos petites et moyennes compagnies aériennes ? Une pression écologiste est-elle à l’origine de ces décisions ? Des dizaines de milliers d’emplois sont pourtant en jeu. Il est également pertinent de rappeler que nous sommes le premier pays touristique au monde et que l’aérien est un des piliers de ce secteur.

Hormis les 7 milliards d’euros versés à Air France, les autres compagnies hexagonales et ultramarines n’ont bénéficié d’aucun soutien de l’Etat, à l’exception de Corsair le 27 novembre (accord de 300 millions d’euros, principalement pour l’aide à l’acquisition d’une nouvelle flotte), fragilisant encore leurs ressources et épargnes. Certaines d’entre-elles exercent pourtant le principe de la continuité territoriale pour nos concitoyens (Air Austral, Air Caraïbes, Air Tahiti Nui…) et sont donc primordiales pour un bon fonctionnement économique entre le continent européen et ces territoires éloignées. Au-delà du transport de passagers, elles participent massivement au transit de fret ainsi qu’à l’acheminement postal, qui n’est pas négligeable.

Propositions

Le secteur de l’aérien français se trouve aujourd’hui dans une impasse économique. Il est extrêmement fragilisé depuis la faillite successive de deux compagnies pourtant bien installées sur la desserte des DROM et du Bassin méditerranéen, respectivement XL Airways et Aigle Azur, en octobre 2019. Cette année 2020 fait figure véritable coup de poignard, retardant les projets de développent et d’expansion notamment à l’international.

Il faut ainsi pouvoir garantir des liaisons de manière officielle, comme cela a été le cas les deux étés derniers entre Saint-Pierre et Miquelon et Paris CDG, avec la compagnie ASL Airlines. C’est l’un des rares cas de figure où l’Etat doit pouvoir intervenir, étant donné que cela relève de liaisons domestiques. La ministre des Outre-Mer Annick Girardin était intervenue avec la collectivité afin de sceller ce partenariat. Les prix avaient été fixés pour l’ensemble de la période.

En outre et en se basant sur le long terme, l’Etat doit massivement soutenir les projets de transition écologique des constructeurs aériens, notamment notre fleuron européen Airbus. Nombreux sont les projets liés au développement de nouvelles motorisations, plus écologiques, au développement massif de l’hydrogène ou encore du solaire. Le projet Solar Impulse a été un véritable bond dans le futur et a montré qu’il était possible de faire voler un avion sans kérosène. Bien évidemment nous parlons ici de l’aviation civile mais cela devra aussi être le cas de l’aviation militaire.

Alexandre MARTINEZ
Etudiant en Langues Etrangères
Militant Les Républicains

Sacha GAILLARD
Adjoint au maire
Ville de Saint-Cloud
Président-fondateur d’EspriTerritoires