Constat
Tout comme l’Homme, la délinquance évolue avec son temps. L’individu la façonne à son image et à celle de son ère, si bien qu’elle devient au fur et à mesure un monstre échappant au contrôle de son créateur. La violence monte en puissance en s’insinuant de plus en plus dans le quotidien des citoyens. Liée à la guerre de l’islamisme radical contre la France et sa civilisation, cette violence confronte les pouvoirs publics aux faiblesses de notre propre système.
En vertu du Code général des collectivités territoriales, le Maire a la charge de la police municipale, de la police rurale ainsi que de l’exécution des actes étatiques qui y sont relatifs. A cet effet, il possède des pouvoirs de police générale, lui offrant la possibilité de mener des actions de sécurité, de tranquillité et de salubrité publiques. La création d’une police municipale constitue un levier d’action du Maire. Au plus proche des administrés, la police municipale s’impose comme étant un primo-intervenant majeur lors de la survenance d’une situation de menace pour la sécurité des Français ou lors de missions quotidiennes de sécurisation. Les récents tragiques évènements l’ont démontré, nos policiers municipaux sont en ligne de front et constituent à la fois une première force d’intervention de l’Etat et une cible.
En dépit de son rôle capital, la police municipale souffre depuis longtemps d’un manque cruel de considération de la part des pourvois publics. En 2018, face aux sénateurs de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure, les représentants des syndicats de police municipale remontaient un manque de fluidité et de complémentarité dans le fonctionnement avec la police et la gendarmerie nationale. La philosophie n’étant pas d’amener la police municipale à supplanter la police ou la gendarmerie nationale mais bien de créer des synergies. Si leurs missions diffèrent, elles connaissent la même délinquance, la même violence. Or, le constat actuel est que la police municipale ne dispose ni de pouvoirs suffisants ni de moyens matériels et juridiques suffisants lui permettant d’apporter une réponse effective et efficace. Si les Maires ont pleinement conscience de cette triste réalité, ils ne sont pas les seuls. Ainsi, un sondage Odoxa, réalisé en janvier 2020 pour le baromètre « Fiducial de la sécurité » révélait que 6 français sur 10 étaient satisfaits de l’action de leur municipalité en matière de sécurité, mais que plus de 61% estimaient que les prérogatives du Maire en ce domaine étaient insuffisantes et mériteraient d’être revalorisées.
Ce qu’il se passe
C’est dans ce contexte de menace terroriste accrue et de mouvements de haine ‘’anti-flics’’ que la proposition de loi dite « Sécurité globale » de Jean-Michel Fauvergue et d’Alice Thourot, est adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale le mardi 24 novembre. Désirant faire face à une menace mouvante et protéiforme, le texte de loi a également pour objectif de renforcer l’action des polices municipales en leur octroyant certains pouvoirs jusque là uniquement détenus par la police judiciaire. Ainsi, les agents auront désormais la possibilité de constater des infractions du quotidien à l’image de la conduite sans permis et/ou sans assurance, de l’occupation illicite de terrain, de la détention de produits stupéfiants ou encore l’ivresse manifeste sur la voie publique. Ils pourront dispenser des amendes ou, par exemple, immobiliser des véhicules. Ces constatations d’infractions feront l’objet de procès-verbaux, que les policiers municipaux pourront directement transmettre au Maire et au Procureur de la République territorialement compétent, sans passer par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire.
Si les évolutions annoncées par cette loi vont dans le bon sens, répondant à des demandes de longues dates, nombreux sont les élus locaux a considéré qu’il serait nécessaire d’aller encore plus loin dans la réforme. Certains députés comme Madame Anne-Laure Blin, représentante du Maine-et- Loire, regrettent que l’article 1er, – octroyant ces nouveaux pouvoirs -, ne constitue qu’une expérimentation, limitée qu’à certaines communes possédant au moins vingt agents de police municipale. Si le Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, se dit prêt à revoir ce seuil, le Gouvernement a catégoriquement refusé la suppression de la phase expérimentale afin de donner directement les pouvoirs conférés par ledit article. Ce refus regrettable représente une nouvelle perte de temps dans une réforme nécessaire. Trop de temps a déjà été perdu. Nos policiers municipaux ont besoin d’actes forts, à l’application immédiate !
L’autre regret relatif à ce texte, pourtant prometteur, se cristallise sur la question de l’armement des policiers municipaux. En l’état actuel du droit, un Maire peut décider d’armer ses agents de police municipale en soumettant une demande motivée au préfet de département. Cette autorisation est nominative et ne peut se faire qu’après la signature d’une convention de coordination entre les forces de sécurité de l’Etat et la police municipale de la zone concernée. Un Maire a donc cette possibilité afin de soutenir l’action de ses agents dans leurs missions. Au 1er janvier 2019, la France dénombrait pas moins de 22 780 agents de police municipale, soit une augmentation de 11% depuis 2014. Au sein de ce chiffre, 12 000 policiers municipaux étaient équipés d’une arme à feu. Le Ministère de l’Intérieur note, à ce propos, qu’entre 2014 et 2019 le nombre d’armes à feu équipant les policiers municipaux a augmenté de 63%. Le constat est là. Les Maires sont de plus en plus enclins à recourir à cette possibilité qu’offre la loi en dotant leurs agents d’armes à feu. Ces chiffres révèlent une prise de conscience quant aux risques qu’encourent les policiers municipaux chaque jour. Dans cette optique, alors Ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve avait sommé les préfets, par une circulaire du 23 juillet 2016, à ne plus faire obstacle aux demandes d’autorisation de port d’arme, avant de faire modifier l’article L.511-5 du Code de la sécurité intérieure. Aujourd’hui, face aux récents évènements, les élus locaux invitent à passer un cap en renversant la vapeur. Faire de l’armement des policiers municipaux la règle et non plus l’exception. Que se serait-il passé si les policiers municipaux de Nice n’avaient pas été armés lors de l’attaque au couteau au sein de la basilique Notre-Dame de l’Assomption ? Aussi bien pour les protéger que pour assurer l’effectivité de leurs réponses, l’obligation de les armer apparaît comme évident, voir inévitable. A cet effet, des amendements ont été présentés afin faire l’obligation d’armement la règle et la dérogation l’exception. Les Maires ne désirant par armer leurs policiers municipaux auraient alors déposé une demande de dérogation auprès du préfet concerné, les laissant libres de choisir. Là encore, les parlementaires ont dû accuser un rejet de la part de Gérald Darmanin.
D’insuffisantes réponses
Face à un Exécutif qui avance à tâtons sur des réformes majeures, les élus locaux sont plongés dans une incompréhension totale. Comment comprendre que le Gouvernement rejette d’étendre ce contrôle d’identité aux policiers municipaux ? Comment admettre qu’à l’ère du terrorisme et d’une montée en puissance de la violence que les polices municipales ne soient pas toutes armées afin de faire face ? Comment comprendre..? Jusqu’à une adoption définitive du texte, les élus locaux vont devoir être encore et toujours en première ligne afin d’assurer la sécurité des Français. Si le Gouvernement peut décider d’agir concrètement ou non, les Maires, eux, n’ont pas le choix. La sécurité étant la première des libertés, elle constitue la première des priorités de leur mandat afin d’empêcher l’Homme d’être un loup pour l’Homme…
Constance BRAUT
Collaboratrice parlementaire
Conseillère municipale déléguée à la sécurité publiqueet à la protection animale
Ville de Levallois
Sacha GAILLARD
Adjoint au maire
Ville de Saint-Cloud
Président-fondateur d’EspriTerritoires